MIKE HORN

Publié le par Daniel Duhand

                MIKE HORN : AU BOUT DE LA NUIT

 

 

 

Dans Objectif : Pôle Nord de nuit (XO Editions), Mike Horn raconte son aventure avec le Norvégien Borge Ousland. Une union entre deux solitaires qui n’étaient pas gagnée d’avance ais qui a fait d’aux des frères de sang. Entretien hors du commun avec un héros de légende.

  Avant votre départ pour le pôle Nord, de nuit, certains étaient sceptiques sur vos capacités à vaincre en compagnie de Borge Ousland, grand spécialiste de l'Arctique.
" Les gens qui me critiquent, je ne veux pas leur donner la satisfaction d'avoir raison. Ça me motive. Je ne veux pas mourir pour eux. Dès que l'hélicoptère nous a déposés, le 20 janvier, nous n'avions plus droit à l'erreur. Pas de ravitaillement, pas de secours possibles. Le premier hélico ne pouvait pas venir nous chercher avant le 26 mars. C'était l'engagement total.

 Pourtant, vous ne vous connaissiez presque pas...
C'est vrai. On s'est préparés seuls et on s'est retrouvés au point de départ : Bonjour, je m'appelle Mike. La première chose qu'il m'a dite c'est : Il y a trois manières de faire les choses, la manière juste, la manière forte et ma manière. J'ai pensé : P... ! Et ma manière à moi ? Moi aussi je peux être un sale c... Quand je pense que j'ai raison, j'ai raison. Sur une telle expédition, ça peut être fatal. D'autant qu'on avait conclu un pacte : chacun pour soi. Si l'un de nous deux était dans la m..., l'autre ne devait pas risquer sa peau.

 Malgré tout, étiez-vous complices ?
Au début, quand on sortait de la tente, on était en compétition. On pensait tous les deux : Aujourd'hui, je marche jusqu'à ce qu'il crève. On ne se parlait pas. D'ailleurs, on n'avait rien à se dire. On ne recevait aucunes nouvelles, on ne pouvait pas parler des gonzesses, des élections, du foot... [rires].

 

 

 

 

 Pouviez-vous continuer comme ça ?
Au bout d'un mois, à cause de la dérive des glaces, nous n'avions presque pas avancé. On s'est posé dans la tente. On s'est un peu engueulé, pas violemment, mais on s'est dit ce qui n'allait pas chez l'autre.

 Qu'est-ce qui a vraiment changé vos relations ?
Quand j'étais devant, il me criait : Arrête, tu ne marches pas nord. Je l'ignorais et je continuais. Un jour, j'ai répondu : OK, on s'arrête, tu chauffes ton GPS et on vérifie. J'étais sur le bon cap. Ça lui a redonné confiance. Il a commencé à comprendre comment je m'orientais. Un autre jour, j'étais derrière lui et j'étais sûr qu'il était dans la bonne direction. J'ai gueulé : Bien ! Il a levé le bras. Mon coeur s'est serré, j'ai compris qu'on y arriverait. Plus tard, sur de la glace fine et humide. Les luges n'avançaient pas. On tirait trois minutes et on était morts. J'ai vu Borge à la peine, je suis passé devant, il a fait pareil, et ainsi de suite. On formait enfin une équipe...

 Dans laquelle il y a toujours eu des moments de tension...
Bien sûr. Aller au Pôle, c'était son projet. Je devais l'y aider. Dès qu'il prenait une décision, même si je n'étais pas d'accord, je l'acceptais.

 Par exemple ?
Nous sommes partis avec deux luges chacun. Un jour, il a voulu qu'on n'en garde qu'une seule. Le lendemain, on s'est rendu compte qu'on avançait moins facilement. Pendant trois jours, il a pensé que je lui en voulais. Il a voulu faire demi-tour. C'était impossible. Il insistait, alors je lui ai dit : Prends la tente, le réchaud, je me fais un petit abri, et je te donne trois jours, mais je pense que c'est c... On avait pris une décision ensemble, il fallait l'assumer. En fait, il attendait que je lui dise ça.

 À trois jours du but, vous êtes tombé gravement malade.
Je me suis empoisonné, affaibli par les gelures et le manque de nourriture. Je n'avais plus d'appétit. On devait manger 10 000 calories par jour mais on pouvait en avaler 12 000 et avoir encore faim. Aux chiottes, on en laisse 1 000 dans la neige. À -40 °C, on en dépense 2 000 en dormant pour se réchauffer. Du coup, il ne faut pas dormir plus de 5 ou 6 heures. La distance perdue en dormant à cause de la dérive, ce sont des calories qui manquent pour marcher. C'est la tête qui pousse alors l'homme. C'est dans cette phase, le dépassement de soi, que l'on tombe malade.

 Pourquoi gardez-vous le silence sur votre état ?
Nous étions devenus presque comme deux frères, il ne pouvait pas me laisser risquer la mort. Mes oreilles saignaient mais, avec le bonnet, ça ne se voyait pas. Pour le nez, je m'essuyais mais j'en avais plein la figure. J'ai dit que je m'étais cogné. Quand je suis allé aux chiottes, il a vu la neige toute rouge, il a compris que ça n'allait pas.

 Comment avez-vous trouvé la force de continuer ?
Je n'avais pas le choix. Il fallait rester en vie jusqu'au 26 mars. Borge voulait que je reste dans la tente. Mais on était arrivé jusque-là ensemble, on avait beaucoup de chance, il fallait faire la dernière boucle. Il a pris la tente sur sa luge pour la première fois. Ça ne changeait pas grand-chose mais j'étais trop faible. Au départ, je pouvais tirer 180 kg, à la fin je peinais à en tirer 60. Borge était très fatigué lui aussi et m'a dit de marcher devant, à mon rythme. Au bout d'une journée, je n'en pouvais plus, je suis repassé derrière. Le dernier jour, on a terminé presque l'un à côté de l'autre en se tirant la bourre.

 Pourquoi repoussez-vous sans cesse vos limites, qu'est-ce qui vous motive ?
Je pars pour me sentir vivant, pas pour mourir. J'ai une responsabilité envers mes filles et ma femme. Elles me donnent la liberté de partir, en contrepartie, je dois revenir. C'est parce que je suis aimé chez moi que je rentre à la maison. Et puis, l'homme progresse en sortant de ses zones de confort. Toutes mes expéditions avaient pour but d'apprendre quelque chose.

 Et maintenant ?
Il y a 15 ans que je fais ces conneries un peu partout sur la planète, maintenant, je prépare une expédition qui mélange toutes mes connaissances. Vous savez, l'homme ne s'arrête jamais. "

 Propos recueillis par Stéphane Méjanès

 Avec l’autorisation de www.myfreesport.com

 

Mike Horn : Pièges en eaux glacés

Parmi les difficultés auxqyelles Mike Horn et Borge Ousland ont été confrontés durant leur expédition vers le pôle Nord, de nuit, les étendues d'eau libres n'étaient pas les moindres. Les aventuriers avaient choisi de ne pas emporter d'embarcation, essentiellement pour
alléger leur chargement (le moindre Zodiac pèse environ 60 kg). Ils se sont en fait équipés de combinaisons étanches qu'ils mettaient 25 min à enfiler (photos 1 & 2).

                                    

 

Photo M.Horn 1   

 

 

   

 

 

Photo M.Horn 2

Dans l'eau, les courants sont violents (3& 4).La banquise peut se refermer sur eux ou, au contraire, craquer et s'écarter, les obligeant à nager sur des kilomètres au milieu de nulle part, avec 5 000 m d'abysses sombres sous les jambes.

  

 

 

                                         

Photo M.Horn 3

Photo M.Horn 4

 

 

 

 

À l'arrivée (5 & 6), il faut se rouler dans la neige pour que celle-ci absorbe l'humidité.

  

 

 

                                  

Photo M.Horn 5    

Photo M.Horn 6

 

 

GLOBAL EXPEDITION : LE COMMANDANT HORN

 

Après 15 ans d'expéditions, Mike veut transmettre son expérience aux enfants du monde. Sans renoncer à ses aventures en solitaire, il a conçu un projet pour agir et sensibiliser. Comme un hommage à son héros, le commandant Cousteau. Détails en exclusivité.

C'est le rêve d'un enfant sud-africain soumis au boycott de son pays. Sa seule fenêtre sur le monde, c'est un écran de télévision, son moyen d'évasion, c'est la Calypso, le vaisseau du commandant Jacques-Yves Cousteau. " Je vivais intensément à travers leurs aventures, confie Mike Horn avec passion. Je me voyais faisant partie de l'équipage. Aujourd'hui, il faut que je construise un bateau pour les enfants qui ressemblent à celui que j'étais. " Ce projet, baptisé 2008-2011 Global Expedition (www.mikehorn.com), prend corps. Le bateau, pensé par l'aventurier lui-même et par l'architecte belge Thierry Stump, est en construction au Brésil, où il a redonné du travail à 200 soudeurs au chômage. Il devrait être mis à l'eau en juillet. Ce sera un voilier de 35 m, en aluminium brésilien, le moins cher du monde et le plus écologique puisque sorti d'usines utilisant l'énergie hydraulique. Il sera doté de capteurs solaires, de son propre système de stockage d'énergie, d'une plate-forme pour un hélicoptère et de systèmes d'information dernier cri pour communiquer avec le monde en temps réel. Il sera également un lieu de vie et de travail avec, entre autres, une salle de conférence.

 " C'est un bateau 5 étoiles, s'amuse Mike. Ce sera aussi le plus grand 4 x 4 des mers. " À l'image de l'ancienne goélette Antarctica de Jean-Louis Etienne (aujourd'hui dans l'océan Arctique sous le nom de Tara), sa coque est dessinée de telle sorte qu'elle se soulève pour briser la glace. Sa dérive et son gouvernail escamotables l'autoriseront à progresser dans moins de 2 m d'eau. " Il pourra même creuser son propre canal avec des hélices spéciales ", précise Mike Horn.

 Un équipage de 100 000 enfants

 Ce navire tout-terrain, à 11 millions d'euros, ne serait rien sans le projet pour lequel il a été imaginé : une aventure de trois ans, sur sept continents et sept éléments (air, désert, glace, jungle, océans, rivières, montagnes), au service d'une grande idée. " On ne va pas parler de réchauffement climatique, insiste Mike. D'autres le font très bien. Nous, on va agir. " Même si de nombreux détails restent à affiner sur le parcours, les sponsors et l'organisation générale de cet ambitieux projet, plusieurs actions sont déjà lancées grâce au réseau unique constitué au fil de 15 ans d'expéditions. " Nous voulons planter 12 millions d'arbres, en Afrique, en Amazonie, en Indonésie et en Malaisie, détaille Mike. Nous allons ramasser des débris dans l'océan pour les compacter et les confier à des industriels spécialistes du recyclage. " Pour donner plus de sens au projet, il souhaite s'adresser en priorité aux enfants. " Nous allons effectuer une présélection de 100 000 adolescents, entre 13 et 18 ans, partout dans le monde, explique-t-il. Nous voulons les faire venir en Suisse pour des stages thématiques de 10 jours, en fonction des endroits où nous les emmèneront ensuite. Des Esquimaux ou des Indiens d'Amérique du Sud, par exemple, seront là pour les former. "

 Une fois que l'aventure aura démarré (départ prévu le 23 mars 2008 de Monaco), des personnalités accompagneront les jeunes à la rencontre de Mike. " Je ne serais pas sur le bateau mais en contact permanent, raconte l'aventurier. Je veux tenter une première sur chaque continent, comme la traversée de l'Antarctique, 6 000 Km en solitaire et sans assistance. Les enfants me rejoindront pour voyager quelques jours avec moi. Je veux leur donner le goût de l'aventure et de l'action. C'est une expérience qu'ils n'oublieront jamais. " Pour se mettre en jambes, cet été, en compagnie de l'alpiniste suisse Jean Troillet, Mike Horn se lancera à l'assaut de quatre sommets de plus de 8 000 m (Gasherbrum 1 et 2, Broad Peak et K2). Non, décidément, l'homme ne s'arrête jamais.

 Stéphane Méjanès

 

 

 

 

 

 

 

Avec l’autorisation de www.myfreesport.com

 

 

 Mike Horn
Né le 16 juillet 1966 à Johannesburg (Afrique du Sud)
Vit à Château-d'Oex (Suisse) avec sa femme, Cathy, et leurs deux filles.
Expéditions :
1997-1998 : expédition Amazonie (première traversée en solitaire de l'Amérique du Sud, du Pacifique à l'Atlantique).
1999-2000 : Latitude Zéro (tour du monde sur l'équateur).
2002-2004 : Arktos (premier tour du monde en solitaire sur le cercle polaire arctique).
2006 : pôle Nord de nuit avec Borge Ousland, une première.

 

 www.mikehorn.com

 

 

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